jeudi 28 septembre 2017

678 - peut(-)être un journal






M.E.R.E sera publié par publie.net fin mars 2018. Autrement dit, il me reste 6 mois et deux jours pour:
  • faire tatouer, par Freddy Rässvick, le cryptogramme du Rêve de New York sur mon avant bras, comme sur cet essai, pour clôturer le livre jusque dans ma peau.
  • Terminer les corrections du livre papier avec Jean-Yves Fick et Virginie Gautier.
  • Travailler avec Roxane Lecomte à mettre en forme la version papier du livre.
(Quelques exemples: D, E, Ę, F, G, H, I)
  • Structurer le réseau qui relie les 32 textes entre eux dans le livre numérique.
  • Associer les photos d'Anthony Ceccarelli à chaque texte. Images des lieux de la Shoah aujourd'hui où, littéralement, le vide semble travailler depuis le cœur de la mémoire.
  • Associer des textes issus des œuvres provoquées par l'expérience de la déportation.
  • Terminer de fabriquer le site des Balises avec Thomas Boucharel, site conçu comme prolongement du livre, puis, dans un second temps, comme revue multimédia centrée sur le thème du trauma.
  • Rédiger les synopsis des textes présentés en version animée.
  • Enregistrer des lectures performées de certains textes.
  • Multiplier les collaborations avec musiciens et vidéastes.
  • Terminer la version sonore de M.E.R.E avec Philippe Dubernet, chercher un label.
  • Organiser des concerts, nous produire, ici et ailleurs.

Voilà donc que s'esquisse le terme de cette entreprise qui commença il y a presque cinq ans, dans la salle de bain, avec ma fille.




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vendredi 4 janvier 2013


297 - M.E.R.E - 1


Je donnais le bain à ma fille. C'est-à-dire que j'étais assis sur le marche-pied à côté de la baignoire et que je rêvassais en regardant le tronc oblique du figuier par la porte-fenêtre.






- Ma croûte, elle est rentrée à sa maison, a dit Lucie, considérant ce bouton sur sa cuisse qui avait donc cicatrisé. Cette phrase m'a gentiment bouleversé. Je lui ai trouvé, immédiatement, une portée eschatologique. J'y ai vu la possibilité d'une nouvelle croyance: une fois leur office accompli, les croûtes iraient en un lieu, leur maison, où elles attendraient la fin des temps. L'apocalypse venue, nous les retrouverions et, ainsi, c'est la mémoire précise de tous nos bobos, de toutes nos blessures, que nous pourrions recouvrer. Ce serait autant d'hommes que de livres - chaque croûte en serait un paragraphe ou un chapitre -, où se donnerait à lire la vie de nos épidermes: de leurs entailles, plaies, coupures... et des personnes, gestes, paroles, lieux, temps qui leur sont associés. On se souviendrait du soin délicat d'une mère, de la maladresse attentionnée d'un grand frère, du mutisme aimant d'un père, de la lumière blafarde d'une salle de bains, des feuilles automnales des arbres qui ombraient la cour de récréation ou encore du vieux pull beige que portait la personne aimée ce jour-là.
Cette sorte de paradis serait dédiée au souvenir de l'humanité. Mais, à bien y réfléchir, que pourrait être le paradis, sinon cette liturgie de notre histoire par laquelle nous fêterions nos implications, nos douleurs et nos joies? A ce propos, je me demande si ce n'est pas là, justement, l'enjeu de toute écriture de création. Un livre, qu'il soit numérique ou bien de papier, est-il autre chose qu'une célébration de nos présences au monde dans le blanc sans âge d'une page? Un livre n'est-il pas une fin des temps? 
Le départ de la croûte signifie la guérison de la plaie. C'est en soi un petit deuil. Il y faut se séparer de la blessure avec laquelle nous avons pu entretenir des rapports courtois, ou bien houleux, quoi qu'il en soit des liens souvent assez forts pour qu'on les ressente comme manque une fois qu'on doit vivre sans. C'est peut-être pour cela que ma fille a pris la peine de parler et d'émettre cette affirmation qui m'inspire; ce serait une façon de sanctionner une perte. 
Dans un sens plus allégorique, il y a des croûtes qui ne rentrent jamais à leur maison parce que la plaie dont elles sont issues ne se ferme pas. C'est le cas d'un trauma par exemple. Vivre après un trauma ne consiste pas à supprimer la souffrance et la désorientation qu'il produit en soi ; vivre après un trauma, c'est apprendre à construire sa maison en lui, dans la zone dévastée, au coeur du ground zero psychique, dans la douleur, le manque de sens et, excusez mon hardiesse, une extrême poésie difficilement transmissible par nos moyens d'expression usuels. 
Depuis que j'ai commencé à écrire, je suis tenté de travailler au sujet de la mort de ma mère. Je ressens avec une certaine évidence que cette mort est au coeur de l'élan vers l'écriture qui me meut. Je ne saurais pas l'expliquer dans la profondeur et la clarté. Je sais par intuition.
J'ai beaucoup écrit autour de la mort ainsi qu'autour de l'image de ma mère, mais jamais je ne me suis attaqué, de front, à ce traumatisme qui a pulvérisé mon adolescence. J'imagine que je ne me sentais pas encore assez armé pour dompter la croyance selon laquelle écrire me sauverait, à jamais - j'insiste sur ce terme : à jamais -, de ma douleur et de mon désarroi. 





M.E.R.E, jeudi 3 janvier 2013

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183 jours avant publication 
d'une forme possible pour représenter le territoire du vide.
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